la porte vers....ailleurs
Un océan de flammes bleues...
Il ne sait ni comment il est arrivé là, ni pourquoi...
Il est seul, il est nu, recroquevillé sur lui-même...
Les flammes le caressent sans le brûler, elles le rassurent…
Il ne sait plus depuis combien de temps il est là...
Lorsqu'il s'est réveillé, il était déjà là...
Cela lui semble normal...
Des flammes d'un bleu comme le ciel danse tout autour de lui...
Ce feu qui l'entoure lui semble si familier...
Il le connaît...
Il connaît cet endroit où le ciel brille sans aucun soleil...
Cet endroit couvert de flammes à perte de vue...
Mais il ne sait plus quel est cet endroit...
Il ne sait plus le nommer...
Il ne sait plus rien...
Que sait il ?
-Je suis Shadam! Dit il découvrant sa propre voix...
Les flammes cessèrent de danser...
La bulle se figea...
Une lumière aveuglante se mit à émaner du jeune garçon, les rayons éclatèrent la bulle, mais il ne tomba pas parmi les flammes, il lui semblait plutôt qu'elles le portaient, sans le brûler...
Il se sentait si bien...
Il s'allongea parmi les flammes...
Il commença à s'endormir...
Rêves 1... de l'autre monde à ailleurs...
Sentant une légère brise lui caresser le visage, il ouvrit les yeux lentement. Une lumière blanche provenant de l'unique fenêtre éclairait à peine la pièce dans la nuit.
Allongé sur le lit, il observa la pièce sans aucune surprise et se demanda où il était.
Il repensa à cet endroit recouvert de flammes:
- Alors tout cela n'était qu'un rêve, se dit il en se redressant.
Après un bon moment, il analysa le lieu où il se trouvait.
C'était une pièce assez vaste ressemblant à une chambre dont le seul meuble semblait être un grand lit à baldaquin dans lequel reposait le jeune garçon. En face, une énorme porte en bois massif, sûrement l'accès vers la sortie. Sur sa gauche, une fenêtre ouverte ornée de fins rideaux blancs à la limite de la transparence se soulevant sous l'effet du vent, sur sa droite, une porte ouverte donnant sur une pièce carrelée.
Il s'assit sur le bord du lit, touchant le sol brun et cotonneux du bout de ses pieds et pensa:
- Comment suis-je arrivé ici ?
Portant la main à sa tête comme pris d'une vive douleur il poursuivit à voix haute:
- Qui suis-je ?
Il cherchait à l'intérieur de lui-même une bribe quelconque de mémoire à laquelle se raccrocher mais se voyait tous les accès refusés par manque de souvenirs. Regardant sa main, il se dit qu'il ne pouvait pas se rappeler des gestes et des ouvrages accomplis par celle-ci. Cette pensée obscurcit son visage et il se rejeta en arrière sur le lit.
Il demeura ainsi, fixant le plafond blanc.
-Je suis vierge...
-Je ne sais plus qui je suis...
Tendant la main vers le plafond, il se demanda:
- Que sais-je ?
Il ferma les yeux, se raccrochant à son seul souvenir...
Il se revit dans son rêve, dérivant à l'intérieur de la bulle transparente. Il se remémora combien il s'y sentait bien, calme, apaisé.
En ce moment là, il ne se souvenait de rien non plus, mais il ne se posait alors aucune question. Pourtant une réponse lui était alors parvenue d’elle-même...
Il réouvrit les yeux et attesta, sûr de lui:
- Je suis Shadam...
Etait ce son nom? Qui le lui avait donné? L'appelait on ainsi?
Il se redressa à nouveau un instant avant de se lever, soucieux et fit quelques pas vers la fenêtre mais trébucha aussitôt, se retrouvant les pieds emmêlés dans ses cheveux.
Il en saisit alors une mèche et la contempla, surpris de leur longueur.
Se demandant à quoi il pouvait bien ressembler, il chercha du regard une quelconque surface réfléchissante mais les parois boisées de la pièce étaient dénuées de tout miroir et sa raison lui suggéra rapidement de se diriger vers la pièce carrelée.
En y entrant, il fut stupéfait par la clarté qui y régnait; les murs, le sol et le plafond étaient couverts d'un carrelage bleu et se renvoyaient les rayons de lumière dans un ballet de ricochets nacrés. D'après la robinetterie, il s'agissait sans doutes d'une salle d'eaux mais la présence de paquets de poussière par-ci et là supposait qu'elle n'avait pas servi depuis bien longtemps. Alors qu'il parcourait du regard les lieux, il découvrit au fond de la pièce un miroir ovale, quasiment à sa taille.
Lui non plus ne semblait pas avoir servi depuis des lustres et reposait sous la crasse.
Shadam tenta de s'y regarder mais son reflet était en partie masqué par une épaisse couche de salissure qu'il s'employa à nettoyer à l'aide d'une mèche de ses cheveux.
Essuyant, il découvrait peu à peu son image impatiemment et une fois sa tâche finie, il recula de quelques pas afin de se contempler dans son ensemble.
Il semblait jeune, une longue chevelure blanche cachait la nudité de son corps et tombait jusqu'au sol. Les traits de son visage étaient fins, sans aucunes cicatrices...
Il s'approcha car il ne distinguait pas ses yeux, et recula soudainement, les découvrant.
Il avait les pupilles d'un animal, d'un félin, il ne voyait de son oeil qu'une fente noire nimbée d'or.
-Est ce toi Shadam? Demanda-t-il à son reflet, découvrant sa propre voix...
Il passa énormément de temps à se contempler, tenant à imprégner de son apparence, se découvrant sous tous les angles d'un visage impassible. Il voulait associer une image à son nom et observait chacun de ses membres, guettait chacune de ses réactions.
Après un long moment il se demanda à nouveau ce qu'il faisait ici et s'il était seul… Il revint dans la pièce précédente, pensif.
- Quelqu'un a dû m'amener ici, se dit il en posant son regard sur le lit.
- Et cette personne doit savoir qui je suis, ou du moins d'où je viens!
Il se dirigea vers la fenêtre afin d'obtenir une information sur sa location et écarta les rideaux avant de se figer de stupeur face au décor s'offrant à lui:
La pièce dans laquelle il se trouvait était au sommet d'une tour qui elle-même semblait faire partie d'une immense structure en pierres taillées, le donjon d'un château peut-être, et d'autres grandes tours similaires semblaient s'élever du sol pour aller gratter la cime du ciel. Elles paraissaient implantées de manières régulières et respectaient toutes le même alignement car deux rangées de murailles les reliaient entre elles. Il y en avait quatre tours de chaque côtés de Shadam, lui laissant supposer qu'il demeurait dans la neuvième tour qui refermait l'enclos formé par les autres.
S'appuyant sur le rebord en pierre, il se pencha.
Au centre de l'enclave se dressait un bâtiment colossale ressemblant à un palais. D'énormes torches y de part et d’autre assurant une luminosité presque aveuglante, se réfléchissant sur le toit et les murs blancs. Une multitude de petites constructions étaient agglutinées tout autour de l'édifice, toutes surplombées d'un drapeau et reliées entre elles par de petits chemins pavés à peine visibles de haut.
En relevant le regard, il constata que les autres tours étaient constituées de plates-formes sur lesquelles brûlaient des feux mais il ne pouvait en distinguer plus.
Dans un ciel sans nuages brillait une lune pleine, dont l'éclat blanc et pur semblait mystique et dont la proximité avec la terre paraissait féerique.
Au lointain, scintillant sur des collines, une nuée de petites lumières révélaient une ville s'étendant sur plusieurs lieues autour des murailles.
Il y avait donc de la vie…
- Je ne suis pas seul, se dit il, réconforté.
Il s'éloigna de la fenêtre et tira un drap du lit afin de s'en recouvrir la taille et les épaules, puis il rassembla sa chevelure derrière lui pour ne pas gêner sa marche. Se faisant, il se demanda pourquoi la chambre semblait si propre par rapport à la salle d'eaux, qui elle, semblait si délabrée mais cette question lui parût futile face à toutes celles qui l'assaillaient.
Il se dirigea vers la porte de sortie et en tourna la poignée, s'attendant à la trouver verrouillée. Mais à sa grande surprise, celle-ci céda dans un craquement sinistre qui laissait comprendre qu'elle n'avait point été ouverte depuis maintes années.
Le crissement des gonds mal huilés lui parvint aux oreilles, amplifié par la résonance de l'endroit où il venait de déboucher.
C’était une salle minuscule et sombre, donnant sur un escalier qui paraissait ne plus en finir, s'enfonçant dans l'obscurité, tournant sur lui-même comme un serpent qui se love et éclairé par quelques vitraux dont les verres ternis ne laissaient passer que peu de luminosité par moments.
L'aspect sinistre de la descente le rebutait quelque peu mais il finit par s'aventurer sur les marches tout en s'aidant de sa main droite, tenant le mince muret servant de rambarde.
Dans le silence le plus total, il amorça sa longue descente, n'ayant pour seule compagnie que le bruit de la plante de ses pieds sur les marches et de ses cheveux traînant derrière lui.
Il remarqua que la poussière des marches avait été foulée par des traces de pas allant dans le sens inverse. Aux abords d'un vitrail, il s'agenouilla pour les examiner.
Elles semblaient avoir été faites par de petits pieds chaussés, une femme où un enfant peut-être, et supposaient que quelqu'un était monté en haut de la tour. Pour quoi faire, ça il ne le savait pas, alors il se releva et continua à avancer, toujours aussi impassible...
Durant sa progression, à travers les vitraux, l'inclinaison des rayons avait changé, laissant comprendre que la lune avait poursuivi sa course dans le ciel. Ce détail conforta Shadam dans sa sensation de descente interminable, mais il se dit qu'il ne pouvait point s'arrêter maintenant et qu'il lui fallait aller jusqu'en bas...
…L'écho fait par ses pas perdait en amplitude, lui indiquant que sa marche touchait bientôt à sa fin. En effet il lui sembla que l'escalier se faisait de plus en plus lumineux et il ne tarda pas à en découvrir pourquoi.
Cessant de tourner, celui ci achevait son parcours en une descente droite, débouchant sur une salle impressionnant par sa taille et par son vide. Voilà donc à quoi ressemblait la base de la tour; un énorme hall carré aux murs de pierres grises et lourdes, un sol recouvert d'un tapis démesuré dont la couleur rouge s'était retrouvée décolorée par le temps.
La salle était assez grande pour contenir une foule d'au moins cent personnes comme lui, et chacun de ses pas se retrouvait propagé dans l'espace par la réverbération.
Il acheva de descendre, s'arrêta au pied des marches.
Pourquoi l'avait on abandonné dans cet endroit poussiéreux comme on abandonnerait un objet cassé.
De la mousse et de petites herbes se propageaient entre les dalles du sol et des murs, seules maîtresses des lieux, et teintaient les cloisons d'un vert usé. Un rayon de lune, émanant de l'unique lucarne du toit noircit, venait s'écraser au centre de la pièce dans un faisceau d'ivoire. Shadam alla s'y placer comme prit de l'envie de se gorger de lumière. Il y admira, ses cheveux d'un gris teinté d'argent puis son corps à travers le drap maculé de poussière dont les minuscules grains flottaient en nuées autour de lui.
- Ainsi c'est donc toi "Shadam", dit il a voix haute fixant la paume de sa main face à son visage.
- De quoi es tu capable? renchérit il
- De quoi suis je capable ?
En abaissant la main, découvrant son champ de vision, il aperçut une porte gigantesque dans le mur face à lui. En s'en approchant il vit que le bois avait pourri et que la texture se confondait à présent avec celle du mur, ce qui expliquait pourquoi il ne l'avait remarquée plus tôt.
Il fut subitement intrigué par un ligne d'un rouge vif incrustée sur la porte et qui se propageait tout le long de celle ci afin de constituer une sorte d'ornement.
Il recula de quelques pas afin de le contempler dans toute son ampleur et
fronça les sourcils. Son visage se durcit dans l'instant découvrant l'intégralité du dessin.
- C'est une rune, se dit il. Un sceau destiné à m'enfermer ici...
Il se demanda presque aussitôt comment il savait cela alors qu’il ne savait même pas qui il était.
Il chassa cette idée de sa tête et se concentra à nouveau sur le sceau.
Apparemment, quelqu'un l'avait isolé dans cette tour, seul.
Depuis combien de temps était il là?
Y avait il toujours demeuré?
Il leva la main gauche et appliqua délicatement la paume sur la porte.
Les lignes qui formaient le sceau commencèrent alors à se tordre et à couler lentement vers le sol, avant de se mettre à briller d'un rouge incandescent.
La porte lâcha brusquement, comme libérée du joug d'une chaîne invisible, et commença à s'ouvrir avec lenteur, laissant un air nouveau et pur s'engouffrer dans le hall. Sa chevelure, balayée par le vent, flottait tout autour de lui, masquant sa vue. Il la repoussa d'un geste de la main et soupira fort, se gorgeant de cet air neuf, découvrant les traces de vie autour de lui.
Un petit chemin pavé partait de la porte de la tour jusqu'a une intersection, éclairé de chaque coté par des lampes, qui semblaient se révéler être en fait des plantes poussant du sol, à intervalles réguliers, dont la fleur en cristaux brillait d'une lumière blanche et orangée, féerique...
Il eut un dernier regard vers l'intérieur de la tour où pénétrait à présent la lumière et fut pris d'une sorte de nostalgie, sentant qu'il abandonnait une sorte de cocon.
Puis lançant un regard décidé vers la route s'offrant à lui, il entama sa marche calmement...
- Quelque soit ce qui m'arrive, je dois savoir ce que je suis...
Rêves 2...cet ailleurs....mon ailleurs
Il marchait à peine depuis quelques secondes et paraissait déjà enjoué par tout ce qui s'offrait à lui.
Les feuilles des arbres tout autour de lui respiraient d'un mouvement unique, secouées par la brise légère et soyeuse. Il aimait guetter ce geste de la nature et s'arrêtait fréquemment pour l'observer, souriant sans même s'en rendre compte.
Tout lui semblait harmonie et beauté.
Il s'arrêta près d'une de ces lampes et la découvrit comme un enfant essayerait de comprendre un jeu, il poussa d'un geste du doigt la fleur principale, très vite, pour ne pas se brûler, instinctivement.
Mais celle-ci ne chauffait pas du tout, bien au contraire, le contact lui sembla doux et agréable.
Le faisceau de lumière émanant d'elle se mit à se balancer au rythme de la fleur, perturbant l'ordre formé par les autres lampes.
Se disant qu'il venait de marcher à peine quelques mètres il se remit en marche, essayant de calmer sa respiration, excité par ce qui l'attendait.
Soudain, un bruit sourd et régulier lui parvint aux oreilles, une sorte de pas lourd et métallique approchait dans sa direction. Il essaya de distinguer en vain d'où cela venait.
Une forme assez vague fit alors son apparition alors dans la lumière de l'embranchement. Une masse armurée, surmontée de deux pics qui bougeaient au rythme du son des pas.
Shadam eut un soupçon d'inquiétude mais se rassura rapidement en se disant qu'il lui fallait avancer.
Tout en marchant vers la forme, il la distinguait de mieux en mieux. Ce qu'il avait d'abord prit pour une masse unique étaient en fait deux hommes, chacun d'entre eux revêtait une armure qui semblait massive et portait une hallebarde faisant deux fois leur taille.
Ils avaient vu Shadam et se dirigeaient à présent dans sa direction. A quelques pas , l'un des hommes s'adressa directement à lui d'une voix assombrit par son heaume.
- Pardonnez moi mademoiselle, mais il est interdit d'entrer dans cette annexe, la reine n'apprécie pas la curiosité.
En s'approchant davantage, l'homme qui venait de prendre la parole se rendit compte de son erreur.
Ils vinrent s'arrêter juste devant lui, le dévisageant, interloqués par son habit rudimentaire, maculé de poussière, et son air hagard.
Ils se regardèrent entre eux, se demandant cet individu était dangereux et s'il fallait faire usage des armes.
Mais ils ne savaient quelle attitude adopter face à cet homme à l’aspect si miteux...
- Qui êtes vous? demanda le second homme, d'une voix intimidante...
Shadam s'assombrit en entendant cette question et pensa...
-Ils ne savent pas…
Lui qui espérait de l'aide ne pouvait répondre ...
- Je suis... Shadam, dit il d'une voix hésitante...
Les deux hommes se regardèrent à nouveau, surpris par la réponse...
Shadam n'arrivait pas à voir leurs visages, ni même leurs yeux à travers les minces ouvertures de leurs heaumes : il fit un pas vers eux afin de mieux les distinguer.
L'un des homme saisit alors sa lourde hallebarde et la pointa vers le jeune homme dans un geste vif faisant siffler l'air, s’écriant :
- Au nom de l'autorité conféré aux soldats de la Suna Tahora Cyrielle, je vous somme de ne pas bouger!
Shadam se figea... Impressionné par l'homme.
- Soldats... répéta t il en reculant, ne comprenant rien à ce qui se passait.
L'homme en armure ne lâcha pas sa garde et tenait en joug le jeune homme, lorsque soudain son compagnon attira son attention d'un geste de la main, montrant du doigt la porte de la tour, ouverte.
- L'annexe.... L'annexe scellée a été ouverte, s'exclama t il d'un air effaré.
Le jeune homme ne comprenait pas de quoi ils parlaient, c'est alors que l'un des deux hommes s'adressa a lui:
- D'où venez vous, lui demanda t il.
Shadam se retourna et pointa là tour du doigt en disant:
-Je viens de cet endroit...
Il eut à peine le temps d'entendre le bruit sourd d'un objet que l'on déplace très vite.
L'un des gardes, profitant du fait que le jeune homme se soit retourné, lui assena un coup à la base de la nuque, aidé du manche de sa hallebarde.
Shadam eut l'impression qu'un voile blanc obstruait sa vue et s'écrasa sur le sol, assommé, sans connaissance...
Le garde qui venait de le frapper s'agenouilla à côté de lui et commença à l'examiner.
- Il n'a pas d’armes sur lui, déclara t il
Se retournant vers son compagnon il continua:
- J'aimerais comprendre ce que tout cela veut dire, comment se pouvait il que quelqu'un soit enfermé dans l'annexe scellée?
- Je n'en sais pas plus que toi, rétorqua le second garde avant de poursuivre:
- Mais de toutes façons, le sceau de la tour avait été posé par la Suna Tahora Cyrielle elle-même... Le fait que cet individu arrive à le briser, dit il regardant shadam gisant sur les dalles...
-... Prouve qu'il est potentiellement dangereux...
Dans un bruit assourdissant, un groupe formé vingtaine de gardes en armure évoluait à travers les corridors du palais. Tous marchaient à l’unisson, la main posée sur le manche de leurs glaives, comme s'ils cherchaient à protéger quelques chose. Au centre de leur formation, demeurait, une personne dont l'armure sombre différait des autres par ses ornements. Une longue cape lui tombait du dos jusqu'au sol et une chevelure brune s'échappait du heaume, recouvrant le plastron de l'armure; celle ci était composée d'une centaine d'écritures runiques dorées, qui en opposition avec le métal ténébreux, semblaient luire à chaque pas...
Cette personne avançait fièrement en fixant droit devant elle, tandis que les gardes autour d'elle, semblaient scruter les alentours, guettant tous mouvements.
Ils évoluaient dans un corridor désert, essentiellement animé par le bruit de leurs pas. Il n'y avait assez de place en largeur que pour trois hommes, en longueur par contre, cela ne semblait plus en finir. Des torches étaient alignées tous les cinq pas, brûlant vivement et éclairant les parois tapissées d'une matière proche du velours et d'un rouge vif. Aucune fenêtres, ni aucune portes, comme si le trajet se voulait sécurisé.
Personne ne parlait non plus au sein du groupe, les gardes étaient trop occupés...
Au bout du couloir se dressait une porte, alors un des gardes se détacha de sa formation, sans mots dire, et alla l'ouvrir. Un autre passa devant tout le monde afin de s'assurer que le nouvel espace était sûr.
La porte en question donnait sur un couloir plus large, mieux éclairé par des sortes de lustres de cristaux qui pendaient au plafond, lui-même surélevé d'une vingtaine de mètres; un tapis s'étendait sur tout le long du chemin, de grandes colonnes de marbres dont la base se confondait avec la matière du sol, s'élevaient, touchant le plafond et soutenant la voûte. Leurs extrémités s'épaississaient afin d'épouser les formes incurvées du plafond.
Quelques mètres en face de l'escorte, se tenait un groupe de femmes s'apparentant à des servantes, vêtues de toges blanches et de diadèmes dorés, et qui semblait attendre. Arrivée à leur niveau, l'escorte se scinda en deux parties, entourant le groupe de jeunes femmes. Seul demeurait en face d'elles l'individu à l'armure si particulière.
L'une des femmes en toges s'approcha et tendit les mains vers lui, sans le regarder dans les yeux, en disant:
- Soyez la bienvenue Sûna Tahora, avez vous fait un agréable voyage?
La personne à l'armure sombre porta les mains vers son heaume qu'elle enleva, découvrant les traits d'une jeune femme à la chevelure longue et brune, retenue par un diadème frontal, et aux yeux aussi verts qu'une émeraude pure. Son regard semblait perçant et l'expression de son visage était à la fois dure et impressionnante. Ses lèvres semblaient être peu habituées à sourire mais la peau de son visage semblait pleine de jeunesse et de douceur.
Elle posa son heaume dans les mains de la jeune servante et dégagea ses cheveux coincés dans son armure d'un geste de la tête.
D'autres servantes approchèrent d'elle et se mirent à défaire les différents éléments de sa protection avec une dextérité surprenante, la libérant bientôt très vite de cette armure encombrante.
Elles s'écartèrent avec les différentes parties afin de la laisser libre de bouger.
La Sûna Tahora Cyrielle s'étira avec plaisir, débarrassée de toute entrave.
Elle portait une combinaison noire, remontant jusqu’en haut du cou, se confondant avec les formes de son corps et conservait une longue cape brune tombant au sol, lui recouvrant les épaules. Ses chaussures ressemblaient à des sortes de bottines sans semelles, nouées à ses chevilles par de larges lacets d'or et tout cet ensemble harmonisé lui conférait un air majestueux.
Après avoir soupiré un instant, elle s'adressa à la servante qui venait de lui souhaiter la bienvenue, d'un ton sec et assez froid...
- Et bien, quelles sont les nouvelles, que se passe t il pour que Soloné me demande de toute urgence ?
La jeune fille lui répondit sans toutefois lever les yeux du sol.
- L'intendant vous demande de le rejoindre dès votre arrivée…
La Sûna Tahora afficha un air surpris :
-Ne peut il point venir jusqu'à moi ? Que signifient tous ces mystères ?
Il y eut un instant silencieux durant lequel la servante ne répondit pas.
La Sûna Tahora, agacée, releva la tête de la jeune fille, la forçant à la regarder dans les yeux et empêchant son regard de fuir.
- Mohira, dis moi immédiatement ce qu’il se passe ! Reprit elle dans un souffle trahissant son impatience.
La dénommée Mohira parut surprise par la réaction de sa reine et se décida très vite à parler.
- Je ne sais pas votre excellence ! Dit elle d’un air apeuré…L’intendant Soloné m’a ordonné de vous demander de le rejoindre…Il vous attend près de la tour Teholenden reprit elle…
Elle lâcha la servante et fit de quelques pas en arrière, surprise par ce qu’elle venait d’entendre, balbutiant quelques mots…
- Teholenden… L’annexe scellée…
Elle demeura ainsi figée un moment, les yeux éteints.
Les gardes et les servantes se regardaient entre eux, en silence, se demandant ce qui arrivait à leur reine.
Celle qui semblait s’appeler Mohira et qui demeurait encore en face d’elle tenta de la ramener à eux en l’appelant.
- Tahora… Tahora, vous ne vous sentez pas bien ?
Brusquement, la reine commença à avancer sans mot dire.
Ses gardes, surpris par cette attitude soudaine, coururent vers elle afin de remplir leur rôle d’escorte, créant un brouhaha de bruit de métaux s’entrechoquant les uns contre les autres.
- Non ! Hurla t elle en se retournant vers eux…
Son ordre tonna dans la salle, couvrant le bruit des armures et faisant sursauter certaines servantes qui en lâchèrent ce qu’elles portaient.
Après un regard sévère en direction de son escorte, elle se remit en route, seule.
Elle se rappelait de son enfance pendant qu’elle marchait…
Elle se revoyait courir en direction de la tour Teholeden, tenant les dentelles de sa robe d’une main, et les doigts d’une autre petite fille de l’autre main…
Elles souriaient toutes deux…
Elle revoit la petite fille trébucher, tomber au sol, puis se mettre à pleurer…
La Suna Tahora, encore enfant, revint sur ses pas et l’aida à se relever…
Elle entendait encore sa propre voix disant…
- Relève toi Anarielle, Mère nous attends…
La petite fille lui adressa un sourire, comme pour acquiescer et elles se remirent a courir, riant aux éclats….
D’un geste de la tête, elle chassa ces songes et se dit :
- Depuis combien de temps n’ai je pas souri…
Elle venait de mettre pied sur le chemin pavé menant à la tour Teholenden et progressait, regardant vers le lointain. Se demandant pourquoi se souvenir lui était soudainement revenu.
Soudain, elle se figea sur place.
Bien qu’assez loin de la tour, elle en distinguait à présent les immenses portes qu’elle avait scellées de ses propres mains, ouvertes…
A cette vue, un frisson la parcourut.
Les souvenirs refoulés déferlaient dans sa tête, lui arrachant un bref cri de souffrance.
Elle posa un genou à terre, terrassée par toutes ces images dont elle ne voulait plus, gardant les yeux ouverts, exorbités, afin de forcer sa raison à prendre le dessus.
A quatre pattes , elle reprenait son souffle, les yeux rivés vers le sol, essayant de distinguer la forme des pavés pour ne pas sombrer dans la démence.
Soudain elle entendit un bruit sur sa gauche et se reprit brusquement, elle se mit en position défensive, pivotant sur le sol d’un geste circulaire, prête à engager l’ennemi…
- Inutile, dit une voix grave, une telle inattention t’aurais déjà coûté la vie s’il eut s’agit d’un Dul mataz ou d’un ennemi… Ce n’est point la peine de chercher à m’impressionner, je venais tout simplement a votre rencontre, renchérit la voix, se dévoilant à la lumière.
Il s’agissait d’un homme d’âge assez avancé, aux traits imprégnés d’expérience mais à la stature tout de même impressionnante et au regard dur, portant une sorte de veste aux manches très longues et en pantalon surmonté d’un pagne. Ses cheveux grisonnant finissaient en deux longues mèches s’enroulant. Une sorte de flux bleu tournoyait autour se sa tête, comme des légères flammes, gravitant. Sa main gauche tenait un sceptre ressemblant à un bâton de bois blanc et irrégulier, serti d’une énorme gemme noire, lévitant entre les encoches des extrémités.
D’une poussée ferme de sa main droite il aidait La Sûna Tahora à se relever…
Celle-ci le rejeta d’un geste vif de la main et lui adressa un regard furieux :
- Il serait grand temps pour toi de ne plus me pour une prendre pour une enfant, Soloné, lâcha t elle dans un souffle trahissant sa fureur.
Ils se fixèrent un instant dans les yeux, faisant monter la tension par un simple échange de regard…
L’air brassait les feuillages tandis que montait l’aurore derrière la tour Teholeden. La lumière, se propageant lentement sur les pavés du chemin, vint éclairer les deux protagonistes qui ne bougèrent pas d’un pouce.
La Sûna Taora, lassée, finit par détourner son regard de celui de son interlocuteur et le porta en direction de la tour…
- Je dois aller vérifier, dit elle en entamant sa marche.
- Inutile, lança l’homme, je suis déjà monté au sommet de la tour…
La jeune fille s’arrêta net et fit volte face…
- Et bien ? S’écria t elle, agacée, qu’as tu vu ? Parle donc…
Soloné prit un léger temps, avant de répondre d’un air grave…
- L’être qui reposait dans la tour… n’y est plus …
La Sûna Tahora sentit la force se dérober dans ses jambes…
Soloné poursuivit :
- Le Ten Yumao s’est réveillé…
Elle demeurait pétrifiée, son regard trahissait son absence et ses lèvres ne parvenait plus à articuler le moindre mot.
Une brise vint balayer sa chevelure, cachant ses yeux éteints.
- Et…. Où se trouve t il actuellement ? Balbutia t elle.
- Il semblerait que deux gardes l’aient trouvé et l’aient enfermé dans un des cachots runiques, afin de parer toutes éventualités, bien que s’il s’agisse du Ten Yumao, ces runes ne soient d’aucunes utilités…
- Je suppose qu’ils l’ont enfermé dans l’aile la plus proche de Teholenden ? Demanda t elle, cachant son regard à la vue de son interlocuteur…
- Je le suppose également, répondit Soloné avec calme.
La jeune fille se remit à marcher, mais cette fois vers l’entrée du chemin…
L’intendant la regarda s’éloigner tout en l’appelant.
- Tahora… Tahora ! Cyrielle, s’écria t il en frappant le sol de son sceptre.
Elle s’arrêta net.
- Que comptes tu faire à présent ? Lui demanda t il. Vas tu le défier comme tu as défié ta mère ?
Elle se retourna vers lui et il découvrit ses yeux emprunts à une colère si évidente qu’elle en était lisible.
- Je ne sais pas, répondit elle…Mais je ne comptes pas abandonner tout ce que j’ai entrepris à un dieu qui se réveille un peu trop tard…
Il la fixa, comme pour savoir si elle était vraiment sûre de son choix et dit :
- Qu’il en soit alors ainsi…
Elle se remit en route accompagnée de l’intendant.
Rêves 3 … ce monde…?
Il venait de s’éveiller et demeurait l’esprit encore quelque peu embrumé.
Lorsqu’il essaya de relever la tête, il fut prit d’une vive douleur à la base de la nuque l’obligeant à rester courbé…
Il se redressa tant bien que mal et se mit à observer la pièce de la petite couchette où il était assis…
La pièce était assez étroite et cloisonnée par d’épais barreaux noirs et rouillés…
De l’autre coté de l’entrave se situait un espace qui servait apparemment de salle de garde, à en juger par les armes entreposées sur les essieux et les tables fourmillant de divers objets tels que des couteaux, des gamelles et autres… Quatre torches brûlaient de part et d’autres de l’espace et une dernière illuminait le centre de la pièce joignant sa lumière aux autres.
En levant la tête tout autour de lui, il n’aperçut aucune ouverture qui lui ai permit de sortir de la pièce, ou même d’y entrer, aucune porte entre les barreaux, il en vint d’ailleurs à se demander comment était il arriver ici.
Il se leva, s’enveloppant du drap qu’il avait conservé et se tourna vers sa couchette, dépassant d’un mur de pierres brunes sur lesquelles étaient inscrites des runes blanches.
Il s’en approcha sans toutes fois les toucher et mais assez près pour les lire…
Il parvenait à lire ce qui était inscrit et s’en étonna un bref instant avant de lire d’une voix haute voix, jeune et grave :
- Nul flot de l’esprit… Nul appel ne sera pas entendu…
Une fois qu’il eut lu, il ressenti quelques sortes de picotements à travers tout son corps…
Ces phrases étaient répétées cinq fois par pierre et ce d’une manière très précise. Deux fois en haut, une fois au milieu et deux fois en bas.
- C’est un cachot, se dit il.
Il en était quasiment certain même s’il ne parvenait pas à comprendre le sens de cette phrase inscrite.
Il avançait lentement son doigt afin de toucher les inscriptions lorsqu’il perçut soudain un tintillement métallique derrière lui.
Le bruit venait la pièce de l’autre coté des barreaux, il y avait une porte en métal derrière laquelle quelqu’un semblait s’employer sur la serrure.
Lorsque celle ci céda, un individu en armure s’engouffra dans la pièce repoussant une sorte de voile masqué par la porte et alla se placer à gauche de celle ci, frappant le sol de sa hallebarde une fois en position, il fût aussitôt suivi par un autre garde qui vint se placer droite avant d’effectuer le même mouvement…
L’écho des armes de fer se propageait à travers l’ouverture de la porte, lorsque, surgissant de la pénombre, la Tahora, pénétra dans la pièce, fixant directement Shadam à peine eut elle écarté le voile…
Elle progressa à travers la salle de garde d’une seule traite et vint s’arrêter devant le cachot où il demeurait, le dévisageant sans osciller, droite, le visage fermé et les poings serrés.
Soloné entra à son tour et vint se placer juste derrière la Tahora d’une manière calme avant de fixer le jeune homme à son tour…
Tous deux se dressaient devant Shadam et lui apparaissaient comme personnalités importantes et de connivence entre elles.
Leurs ombres s’étendaient jusqu’au cachot et dansaient au rythme des flammes les éclairant…
Une once de crainte commençait à envahir Shadam qui recula instinctivement au fond de sa cellule sans toute fois toucher le mur parsemé d’inscriptions dont il sentait émaner une force…
Soloné se pencha vers la Tahora afin de murmurer à son oreille :
- C’est fascinant…
La jeune fille n’exprima aucune émotion.
- Ce corps a dormi pendant des millénaires entiers, qui aurait pu croire qu’il puisse se mouvoir un jour, reprit il.
- Je suis la première à m’en étonner, répondit la Tahora sans quitter le prisonnier des yeux, et je suis également la dernière a partager ton enthousiasme…Intendant Soloné…
Elle appuya sur ces derniers mots afin de rappeler son intendant à l’ordre…
- Si l’on en croit le Maïlok datant de la Lôma Tahora, analysa Soloné, sa mémoire devrait être profondément altérée lors de l’éveil…
- Encore une prédictions de ce fameux « prophète » demanda la Sûna Tahora avec un brin de cynisme...
- Ne sous-estime pas la
-
Il ne sait ni comment il est arrivé là, ni pourquoi...
Il est seul, il est nu, recroquevillé sur lui-même...
Les flammes le caressent sans le brûler, elles le rassurent…
Il ne sait plus depuis combien de temps il est là...
Lorsqu'il s'est réveillé, il était déjà là...
Cela lui semble normal...
Des flammes d'un bleu comme le ciel danse tout autour de lui...
Ce feu qui l'entoure lui semble si familier...
Il le connaît...
Il connaît cet endroit où le ciel brille sans aucun soleil...
Cet endroit couvert de flammes à perte de vue...
Mais il ne sait plus quel est cet endroit...
Il ne sait plus le nommer...
Il ne sait plus rien...
Que sait il ?
-Je suis Shadam! Dit il découvrant sa propre voix...
Les flammes cessèrent de danser...
La bulle se figea...
Une lumière aveuglante se mit à émaner du jeune garçon, les rayons éclatèrent la bulle, mais il ne tomba pas parmi les flammes, il lui semblait plutôt qu'elles le portaient, sans le brûler...
Il se sentait si bien...
Il s'allongea parmi les flammes...
Il commença à s'endormir...
Rêves 1... de l'autre monde à ailleurs...
Sentant une légère brise lui caresser le visage, il ouvrit les yeux lentement. Une lumière blanche provenant de l'unique fenêtre éclairait à peine la pièce dans la nuit.
Allongé sur le lit, il observa la pièce sans aucune surprise et se demanda où il était.
Il repensa à cet endroit recouvert de flammes:
- Alors tout cela n'était qu'un rêve, se dit il en se redressant.
Après un bon moment, il analysa le lieu où il se trouvait.
C'était une pièce assez vaste ressemblant à une chambre dont le seul meuble semblait être un grand lit à baldaquin dans lequel reposait le jeune garçon. En face, une énorme porte en bois massif, sûrement l'accès vers la sortie. Sur sa gauche, une fenêtre ouverte ornée de fins rideaux blancs à la limite de la transparence se soulevant sous l'effet du vent, sur sa droite, une porte ouverte donnant sur une pièce carrelée.
Il s'assit sur le bord du lit, touchant le sol brun et cotonneux du bout de ses pieds et pensa:
- Comment suis-je arrivé ici ?
Portant la main à sa tête comme pris d'une vive douleur il poursuivit à voix haute:
- Qui suis-je ?
Il cherchait à l'intérieur de lui-même une bribe quelconque de mémoire à laquelle se raccrocher mais se voyait tous les accès refusés par manque de souvenirs. Regardant sa main, il se dit qu'il ne pouvait pas se rappeler des gestes et des ouvrages accomplis par celle-ci. Cette pensée obscurcit son visage et il se rejeta en arrière sur le lit.
Il demeura ainsi, fixant le plafond blanc.
-Je suis vierge...
-Je ne sais plus qui je suis...
Tendant la main vers le plafond, il se demanda:
- Que sais-je ?
Il ferma les yeux, se raccrochant à son seul souvenir...
Il se revit dans son rêve, dérivant à l'intérieur de la bulle transparente. Il se remémora combien il s'y sentait bien, calme, apaisé.
En ce moment là, il ne se souvenait de rien non plus, mais il ne se posait alors aucune question. Pourtant une réponse lui était alors parvenue d’elle-même...
Il réouvrit les yeux et attesta, sûr de lui:
- Je suis Shadam...
Etait ce son nom? Qui le lui avait donné? L'appelait on ainsi?
Il se redressa à nouveau un instant avant de se lever, soucieux et fit quelques pas vers la fenêtre mais trébucha aussitôt, se retrouvant les pieds emmêlés dans ses cheveux.
Il en saisit alors une mèche et la contempla, surpris de leur longueur.
Se demandant à quoi il pouvait bien ressembler, il chercha du regard une quelconque surface réfléchissante mais les parois boisées de la pièce étaient dénuées de tout miroir et sa raison lui suggéra rapidement de se diriger vers la pièce carrelée.
En y entrant, il fut stupéfait par la clarté qui y régnait; les murs, le sol et le plafond étaient couverts d'un carrelage bleu et se renvoyaient les rayons de lumière dans un ballet de ricochets nacrés. D'après la robinetterie, il s'agissait sans doutes d'une salle d'eaux mais la présence de paquets de poussière par-ci et là supposait qu'elle n'avait pas servi depuis bien longtemps. Alors qu'il parcourait du regard les lieux, il découvrit au fond de la pièce un miroir ovale, quasiment à sa taille.
Lui non plus ne semblait pas avoir servi depuis des lustres et reposait sous la crasse.
Shadam tenta de s'y regarder mais son reflet était en partie masqué par une épaisse couche de salissure qu'il s'employa à nettoyer à l'aide d'une mèche de ses cheveux.
Essuyant, il découvrait peu à peu son image impatiemment et une fois sa tâche finie, il recula de quelques pas afin de se contempler dans son ensemble.
Il semblait jeune, une longue chevelure blanche cachait la nudité de son corps et tombait jusqu'au sol. Les traits de son visage étaient fins, sans aucunes cicatrices...
Il s'approcha car il ne distinguait pas ses yeux, et recula soudainement, les découvrant.
Il avait les pupilles d'un animal, d'un félin, il ne voyait de son oeil qu'une fente noire nimbée d'or.
-Est ce toi Shadam? Demanda-t-il à son reflet, découvrant sa propre voix...
Il passa énormément de temps à se contempler, tenant à imprégner de son apparence, se découvrant sous tous les angles d'un visage impassible. Il voulait associer une image à son nom et observait chacun de ses membres, guettait chacune de ses réactions.
Après un long moment il se demanda à nouveau ce qu'il faisait ici et s'il était seul… Il revint dans la pièce précédente, pensif.
- Quelqu'un a dû m'amener ici, se dit il en posant son regard sur le lit.
- Et cette personne doit savoir qui je suis, ou du moins d'où je viens!
Il se dirigea vers la fenêtre afin d'obtenir une information sur sa location et écarta les rideaux avant de se figer de stupeur face au décor s'offrant à lui:
La pièce dans laquelle il se trouvait était au sommet d'une tour qui elle-même semblait faire partie d'une immense structure en pierres taillées, le donjon d'un château peut-être, et d'autres grandes tours similaires semblaient s'élever du sol pour aller gratter la cime du ciel. Elles paraissaient implantées de manières régulières et respectaient toutes le même alignement car deux rangées de murailles les reliaient entre elles. Il y en avait quatre tours de chaque côtés de Shadam, lui laissant supposer qu'il demeurait dans la neuvième tour qui refermait l'enclos formé par les autres.
S'appuyant sur le rebord en pierre, il se pencha.
Au centre de l'enclave se dressait un bâtiment colossale ressemblant à un palais. D'énormes torches y de part et d’autre assurant une luminosité presque aveuglante, se réfléchissant sur le toit et les murs blancs. Une multitude de petites constructions étaient agglutinées tout autour de l'édifice, toutes surplombées d'un drapeau et reliées entre elles par de petits chemins pavés à peine visibles de haut.
En relevant le regard, il constata que les autres tours étaient constituées de plates-formes sur lesquelles brûlaient des feux mais il ne pouvait en distinguer plus.
Dans un ciel sans nuages brillait une lune pleine, dont l'éclat blanc et pur semblait mystique et dont la proximité avec la terre paraissait féerique.
Au lointain, scintillant sur des collines, une nuée de petites lumières révélaient une ville s'étendant sur plusieurs lieues autour des murailles.
Il y avait donc de la vie…
- Je ne suis pas seul, se dit il, réconforté.
Il s'éloigna de la fenêtre et tira un drap du lit afin de s'en recouvrir la taille et les épaules, puis il rassembla sa chevelure derrière lui pour ne pas gêner sa marche. Se faisant, il se demanda pourquoi la chambre semblait si propre par rapport à la salle d'eaux, qui elle, semblait si délabrée mais cette question lui parût futile face à toutes celles qui l'assaillaient.
Il se dirigea vers la porte de sortie et en tourna la poignée, s'attendant à la trouver verrouillée. Mais à sa grande surprise, celle-ci céda dans un craquement sinistre qui laissait comprendre qu'elle n'avait point été ouverte depuis maintes années.
Le crissement des gonds mal huilés lui parvint aux oreilles, amplifié par la résonance de l'endroit où il venait de déboucher.
C’était une salle minuscule et sombre, donnant sur un escalier qui paraissait ne plus en finir, s'enfonçant dans l'obscurité, tournant sur lui-même comme un serpent qui se love et éclairé par quelques vitraux dont les verres ternis ne laissaient passer que peu de luminosité par moments.
L'aspect sinistre de la descente le rebutait quelque peu mais il finit par s'aventurer sur les marches tout en s'aidant de sa main droite, tenant le mince muret servant de rambarde.
Dans le silence le plus total, il amorça sa longue descente, n'ayant pour seule compagnie que le bruit de la plante de ses pieds sur les marches et de ses cheveux traînant derrière lui.
Il remarqua que la poussière des marches avait été foulée par des traces de pas allant dans le sens inverse. Aux abords d'un vitrail, il s'agenouilla pour les examiner.
Elles semblaient avoir été faites par de petits pieds chaussés, une femme où un enfant peut-être, et supposaient que quelqu'un était monté en haut de la tour. Pour quoi faire, ça il ne le savait pas, alors il se releva et continua à avancer, toujours aussi impassible...
Durant sa progression, à travers les vitraux, l'inclinaison des rayons avait changé, laissant comprendre que la lune avait poursuivi sa course dans le ciel. Ce détail conforta Shadam dans sa sensation de descente interminable, mais il se dit qu'il ne pouvait point s'arrêter maintenant et qu'il lui fallait aller jusqu'en bas...
…L'écho fait par ses pas perdait en amplitude, lui indiquant que sa marche touchait bientôt à sa fin. En effet il lui sembla que l'escalier se faisait de plus en plus lumineux et il ne tarda pas à en découvrir pourquoi.
Cessant de tourner, celui ci achevait son parcours en une descente droite, débouchant sur une salle impressionnant par sa taille et par son vide. Voilà donc à quoi ressemblait la base de la tour; un énorme hall carré aux murs de pierres grises et lourdes, un sol recouvert d'un tapis démesuré dont la couleur rouge s'était retrouvée décolorée par le temps.
La salle était assez grande pour contenir une foule d'au moins cent personnes comme lui, et chacun de ses pas se retrouvait propagé dans l'espace par la réverbération.
Il acheva de descendre, s'arrêta au pied des marches.
Pourquoi l'avait on abandonné dans cet endroit poussiéreux comme on abandonnerait un objet cassé.
De la mousse et de petites herbes se propageaient entre les dalles du sol et des murs, seules maîtresses des lieux, et teintaient les cloisons d'un vert usé. Un rayon de lune, émanant de l'unique lucarne du toit noircit, venait s'écraser au centre de la pièce dans un faisceau d'ivoire. Shadam alla s'y placer comme prit de l'envie de se gorger de lumière. Il y admira, ses cheveux d'un gris teinté d'argent puis son corps à travers le drap maculé de poussière dont les minuscules grains flottaient en nuées autour de lui.
- Ainsi c'est donc toi "Shadam", dit il a voix haute fixant la paume de sa main face à son visage.
- De quoi es tu capable? renchérit il
- De quoi suis je capable ?
En abaissant la main, découvrant son champ de vision, il aperçut une porte gigantesque dans le mur face à lui. En s'en approchant il vit que le bois avait pourri et que la texture se confondait à présent avec celle du mur, ce qui expliquait pourquoi il ne l'avait remarquée plus tôt.
Il fut subitement intrigué par un ligne d'un rouge vif incrustée sur la porte et qui se propageait tout le long de celle ci afin de constituer une sorte d'ornement.
Il recula de quelques pas afin de le contempler dans toute son ampleur et
fronça les sourcils. Son visage se durcit dans l'instant découvrant l'intégralité du dessin.
- C'est une rune, se dit il. Un sceau destiné à m'enfermer ici...
Il se demanda presque aussitôt comment il savait cela alors qu’il ne savait même pas qui il était.
Il chassa cette idée de sa tête et se concentra à nouveau sur le sceau.
Apparemment, quelqu'un l'avait isolé dans cette tour, seul.
Depuis combien de temps était il là?
Y avait il toujours demeuré?
Il leva la main gauche et appliqua délicatement la paume sur la porte.
Les lignes qui formaient le sceau commencèrent alors à se tordre et à couler lentement vers le sol, avant de se mettre à briller d'un rouge incandescent.
La porte lâcha brusquement, comme libérée du joug d'une chaîne invisible, et commença à s'ouvrir avec lenteur, laissant un air nouveau et pur s'engouffrer dans le hall. Sa chevelure, balayée par le vent, flottait tout autour de lui, masquant sa vue. Il la repoussa d'un geste de la main et soupira fort, se gorgeant de cet air neuf, découvrant les traces de vie autour de lui.
Un petit chemin pavé partait de la porte de la tour jusqu'a une intersection, éclairé de chaque coté par des lampes, qui semblaient se révéler être en fait des plantes poussant du sol, à intervalles réguliers, dont la fleur en cristaux brillait d'une lumière blanche et orangée, féerique...
Il eut un dernier regard vers l'intérieur de la tour où pénétrait à présent la lumière et fut pris d'une sorte de nostalgie, sentant qu'il abandonnait une sorte de cocon.
Puis lançant un regard décidé vers la route s'offrant à lui, il entama sa marche calmement...
- Quelque soit ce qui m'arrive, je dois savoir ce que je suis...
Rêves 2...cet ailleurs....mon ailleurs
Il marchait à peine depuis quelques secondes et paraissait déjà enjoué par tout ce qui s'offrait à lui.
Les feuilles des arbres tout autour de lui respiraient d'un mouvement unique, secouées par la brise légère et soyeuse. Il aimait guetter ce geste de la nature et s'arrêtait fréquemment pour l'observer, souriant sans même s'en rendre compte.
Tout lui semblait harmonie et beauté.
Il s'arrêta près d'une de ces lampes et la découvrit comme un enfant essayerait de comprendre un jeu, il poussa d'un geste du doigt la fleur principale, très vite, pour ne pas se brûler, instinctivement.
Mais celle-ci ne chauffait pas du tout, bien au contraire, le contact lui sembla doux et agréable.
Le faisceau de lumière émanant d'elle se mit à se balancer au rythme de la fleur, perturbant l'ordre formé par les autres lampes.
Se disant qu'il venait de marcher à peine quelques mètres il se remit en marche, essayant de calmer sa respiration, excité par ce qui l'attendait.
Soudain, un bruit sourd et régulier lui parvint aux oreilles, une sorte de pas lourd et métallique approchait dans sa direction. Il essaya de distinguer en vain d'où cela venait.
Une forme assez vague fit alors son apparition alors dans la lumière de l'embranchement. Une masse armurée, surmontée de deux pics qui bougeaient au rythme du son des pas.
Shadam eut un soupçon d'inquiétude mais se rassura rapidement en se disant qu'il lui fallait avancer.
Tout en marchant vers la forme, il la distinguait de mieux en mieux. Ce qu'il avait d'abord prit pour une masse unique étaient en fait deux hommes, chacun d'entre eux revêtait une armure qui semblait massive et portait une hallebarde faisant deux fois leur taille.
Ils avaient vu Shadam et se dirigeaient à présent dans sa direction. A quelques pas , l'un des hommes s'adressa directement à lui d'une voix assombrit par son heaume.
- Pardonnez moi mademoiselle, mais il est interdit d'entrer dans cette annexe, la reine n'apprécie pas la curiosité.
En s'approchant davantage, l'homme qui venait de prendre la parole se rendit compte de son erreur.
Ils vinrent s'arrêter juste devant lui, le dévisageant, interloqués par son habit rudimentaire, maculé de poussière, et son air hagard.
Ils se regardèrent entre eux, se demandant cet individu était dangereux et s'il fallait faire usage des armes.
Mais ils ne savaient quelle attitude adopter face à cet homme à l’aspect si miteux...
- Qui êtes vous? demanda le second homme, d'une voix intimidante...
Shadam s'assombrit en entendant cette question et pensa...
-Ils ne savent pas…
Lui qui espérait de l'aide ne pouvait répondre ...
- Je suis... Shadam, dit il d'une voix hésitante...
Les deux hommes se regardèrent à nouveau, surpris par la réponse...
Shadam n'arrivait pas à voir leurs visages, ni même leurs yeux à travers les minces ouvertures de leurs heaumes : il fit un pas vers eux afin de mieux les distinguer.
L'un des homme saisit alors sa lourde hallebarde et la pointa vers le jeune homme dans un geste vif faisant siffler l'air, s’écriant :
- Au nom de l'autorité conféré aux soldats de la Suna Tahora Cyrielle, je vous somme de ne pas bouger!
Shadam se figea... Impressionné par l'homme.
- Soldats... répéta t il en reculant, ne comprenant rien à ce qui se passait.
L'homme en armure ne lâcha pas sa garde et tenait en joug le jeune homme, lorsque soudain son compagnon attira son attention d'un geste de la main, montrant du doigt la porte de la tour, ouverte.
- L'annexe.... L'annexe scellée a été ouverte, s'exclama t il d'un air effaré.
Le jeune homme ne comprenait pas de quoi ils parlaient, c'est alors que l'un des deux hommes s'adressa a lui:
- D'où venez vous, lui demanda t il.
Shadam se retourna et pointa là tour du doigt en disant:
-Je viens de cet endroit...
Il eut à peine le temps d'entendre le bruit sourd d'un objet que l'on déplace très vite.
L'un des gardes, profitant du fait que le jeune homme se soit retourné, lui assena un coup à la base de la nuque, aidé du manche de sa hallebarde.
Shadam eut l'impression qu'un voile blanc obstruait sa vue et s'écrasa sur le sol, assommé, sans connaissance...
Le garde qui venait de le frapper s'agenouilla à côté de lui et commença à l'examiner.
- Il n'a pas d’armes sur lui, déclara t il
Se retournant vers son compagnon il continua:
- J'aimerais comprendre ce que tout cela veut dire, comment se pouvait il que quelqu'un soit enfermé dans l'annexe scellée?
- Je n'en sais pas plus que toi, rétorqua le second garde avant de poursuivre:
- Mais de toutes façons, le sceau de la tour avait été posé par la Suna Tahora Cyrielle elle-même... Le fait que cet individu arrive à le briser, dit il regardant shadam gisant sur les dalles...
-... Prouve qu'il est potentiellement dangereux...
Dans un bruit assourdissant, un groupe formé vingtaine de gardes en armure évoluait à travers les corridors du palais. Tous marchaient à l’unisson, la main posée sur le manche de leurs glaives, comme s'ils cherchaient à protéger quelques chose. Au centre de leur formation, demeurait, une personne dont l'armure sombre différait des autres par ses ornements. Une longue cape lui tombait du dos jusqu'au sol et une chevelure brune s'échappait du heaume, recouvrant le plastron de l'armure; celle ci était composée d'une centaine d'écritures runiques dorées, qui en opposition avec le métal ténébreux, semblaient luire à chaque pas...
Cette personne avançait fièrement en fixant droit devant elle, tandis que les gardes autour d'elle, semblaient scruter les alentours, guettant tous mouvements.
Ils évoluaient dans un corridor désert, essentiellement animé par le bruit de leurs pas. Il n'y avait assez de place en largeur que pour trois hommes, en longueur par contre, cela ne semblait plus en finir. Des torches étaient alignées tous les cinq pas, brûlant vivement et éclairant les parois tapissées d'une matière proche du velours et d'un rouge vif. Aucune fenêtres, ni aucune portes, comme si le trajet se voulait sécurisé.
Personne ne parlait non plus au sein du groupe, les gardes étaient trop occupés...
Au bout du couloir se dressait une porte, alors un des gardes se détacha de sa formation, sans mots dire, et alla l'ouvrir. Un autre passa devant tout le monde afin de s'assurer que le nouvel espace était sûr.
La porte en question donnait sur un couloir plus large, mieux éclairé par des sortes de lustres de cristaux qui pendaient au plafond, lui-même surélevé d'une vingtaine de mètres; un tapis s'étendait sur tout le long du chemin, de grandes colonnes de marbres dont la base se confondait avec la matière du sol, s'élevaient, touchant le plafond et soutenant la voûte. Leurs extrémités s'épaississaient afin d'épouser les formes incurvées du plafond.
Quelques mètres en face de l'escorte, se tenait un groupe de femmes s'apparentant à des servantes, vêtues de toges blanches et de diadèmes dorés, et qui semblait attendre. Arrivée à leur niveau, l'escorte se scinda en deux parties, entourant le groupe de jeunes femmes. Seul demeurait en face d'elles l'individu à l'armure si particulière.
L'une des femmes en toges s'approcha et tendit les mains vers lui, sans le regarder dans les yeux, en disant:
- Soyez la bienvenue Sûna Tahora, avez vous fait un agréable voyage?
La personne à l'armure sombre porta les mains vers son heaume qu'elle enleva, découvrant les traits d'une jeune femme à la chevelure longue et brune, retenue par un diadème frontal, et aux yeux aussi verts qu'une émeraude pure. Son regard semblait perçant et l'expression de son visage était à la fois dure et impressionnante. Ses lèvres semblaient être peu habituées à sourire mais la peau de son visage semblait pleine de jeunesse et de douceur.
Elle posa son heaume dans les mains de la jeune servante et dégagea ses cheveux coincés dans son armure d'un geste de la tête.
D'autres servantes approchèrent d'elle et se mirent à défaire les différents éléments de sa protection avec une dextérité surprenante, la libérant bientôt très vite de cette armure encombrante.
Elles s'écartèrent avec les différentes parties afin de la laisser libre de bouger.
La Sûna Tahora Cyrielle s'étira avec plaisir, débarrassée de toute entrave.
Elle portait une combinaison noire, remontant jusqu’en haut du cou, se confondant avec les formes de son corps et conservait une longue cape brune tombant au sol, lui recouvrant les épaules. Ses chaussures ressemblaient à des sortes de bottines sans semelles, nouées à ses chevilles par de larges lacets d'or et tout cet ensemble harmonisé lui conférait un air majestueux.
Après avoir soupiré un instant, elle s'adressa à la servante qui venait de lui souhaiter la bienvenue, d'un ton sec et assez froid...
- Et bien, quelles sont les nouvelles, que se passe t il pour que Soloné me demande de toute urgence ?
La jeune fille lui répondit sans toutefois lever les yeux du sol.
- L'intendant vous demande de le rejoindre dès votre arrivée…
La Sûna Tahora afficha un air surpris :
-Ne peut il point venir jusqu'à moi ? Que signifient tous ces mystères ?
Il y eut un instant silencieux durant lequel la servante ne répondit pas.
La Sûna Tahora, agacée, releva la tête de la jeune fille, la forçant à la regarder dans les yeux et empêchant son regard de fuir.
- Mohira, dis moi immédiatement ce qu’il se passe ! Reprit elle dans un souffle trahissant son impatience.
La dénommée Mohira parut surprise par la réaction de sa reine et se décida très vite à parler.
- Je ne sais pas votre excellence ! Dit elle d’un air apeuré…L’intendant Soloné m’a ordonné de vous demander de le rejoindre…Il vous attend près de la tour Teholenden reprit elle…
Elle lâcha la servante et fit de quelques pas en arrière, surprise par ce qu’elle venait d’entendre, balbutiant quelques mots…
- Teholenden… L’annexe scellée…
Elle demeura ainsi figée un moment, les yeux éteints.
Les gardes et les servantes se regardaient entre eux, en silence, se demandant ce qui arrivait à leur reine.
Celle qui semblait s’appeler Mohira et qui demeurait encore en face d’elle tenta de la ramener à eux en l’appelant.
- Tahora… Tahora, vous ne vous sentez pas bien ?
Brusquement, la reine commença à avancer sans mot dire.
Ses gardes, surpris par cette attitude soudaine, coururent vers elle afin de remplir leur rôle d’escorte, créant un brouhaha de bruit de métaux s’entrechoquant les uns contre les autres.
- Non ! Hurla t elle en se retournant vers eux…
Son ordre tonna dans la salle, couvrant le bruit des armures et faisant sursauter certaines servantes qui en lâchèrent ce qu’elles portaient.
Après un regard sévère en direction de son escorte, elle se remit en route, seule.
Elle se rappelait de son enfance pendant qu’elle marchait…
Elle se revoyait courir en direction de la tour Teholeden, tenant les dentelles de sa robe d’une main, et les doigts d’une autre petite fille de l’autre main…
Elles souriaient toutes deux…
Elle revoit la petite fille trébucher, tomber au sol, puis se mettre à pleurer…
La Suna Tahora, encore enfant, revint sur ses pas et l’aida à se relever…
Elle entendait encore sa propre voix disant…
- Relève toi Anarielle, Mère nous attends…
La petite fille lui adressa un sourire, comme pour acquiescer et elles se remirent a courir, riant aux éclats….
D’un geste de la tête, elle chassa ces songes et se dit :
- Depuis combien de temps n’ai je pas souri…
Elle venait de mettre pied sur le chemin pavé menant à la tour Teholenden et progressait, regardant vers le lointain. Se demandant pourquoi se souvenir lui était soudainement revenu.
Soudain, elle se figea sur place.
Bien qu’assez loin de la tour, elle en distinguait à présent les immenses portes qu’elle avait scellées de ses propres mains, ouvertes…
A cette vue, un frisson la parcourut.
Les souvenirs refoulés déferlaient dans sa tête, lui arrachant un bref cri de souffrance.
Elle posa un genou à terre, terrassée par toutes ces images dont elle ne voulait plus, gardant les yeux ouverts, exorbités, afin de forcer sa raison à prendre le dessus.
A quatre pattes , elle reprenait son souffle, les yeux rivés vers le sol, essayant de distinguer la forme des pavés pour ne pas sombrer dans la démence.
Soudain elle entendit un bruit sur sa gauche et se reprit brusquement, elle se mit en position défensive, pivotant sur le sol d’un geste circulaire, prête à engager l’ennemi…
- Inutile, dit une voix grave, une telle inattention t’aurais déjà coûté la vie s’il eut s’agit d’un Dul mataz ou d’un ennemi… Ce n’est point la peine de chercher à m’impressionner, je venais tout simplement a votre rencontre, renchérit la voix, se dévoilant à la lumière.
Il s’agissait d’un homme d’âge assez avancé, aux traits imprégnés d’expérience mais à la stature tout de même impressionnante et au regard dur, portant une sorte de veste aux manches très longues et en pantalon surmonté d’un pagne. Ses cheveux grisonnant finissaient en deux longues mèches s’enroulant. Une sorte de flux bleu tournoyait autour se sa tête, comme des légères flammes, gravitant. Sa main gauche tenait un sceptre ressemblant à un bâton de bois blanc et irrégulier, serti d’une énorme gemme noire, lévitant entre les encoches des extrémités.
D’une poussée ferme de sa main droite il aidait La Sûna Tahora à se relever…
Celle-ci le rejeta d’un geste vif de la main et lui adressa un regard furieux :
- Il serait grand temps pour toi de ne plus me pour une prendre pour une enfant, Soloné, lâcha t elle dans un souffle trahissant sa fureur.
Ils se fixèrent un instant dans les yeux, faisant monter la tension par un simple échange de regard…
L’air brassait les feuillages tandis que montait l’aurore derrière la tour Teholeden. La lumière, se propageant lentement sur les pavés du chemin, vint éclairer les deux protagonistes qui ne bougèrent pas d’un pouce.
La Sûna Taora, lassée, finit par détourner son regard de celui de son interlocuteur et le porta en direction de la tour…
- Je dois aller vérifier, dit elle en entamant sa marche.
- Inutile, lança l’homme, je suis déjà monté au sommet de la tour…
La jeune fille s’arrêta net et fit volte face…
- Et bien ? S’écria t elle, agacée, qu’as tu vu ? Parle donc…
Soloné prit un léger temps, avant de répondre d’un air grave…
- L’être qui reposait dans la tour… n’y est plus …
La Sûna Tahora sentit la force se dérober dans ses jambes…
Soloné poursuivit :
- Le Ten Yumao s’est réveillé…
Elle demeurait pétrifiée, son regard trahissait son absence et ses lèvres ne parvenait plus à articuler le moindre mot.
Une brise vint balayer sa chevelure, cachant ses yeux éteints.
- Et…. Où se trouve t il actuellement ? Balbutia t elle.
- Il semblerait que deux gardes l’aient trouvé et l’aient enfermé dans un des cachots runiques, afin de parer toutes éventualités, bien que s’il s’agisse du Ten Yumao, ces runes ne soient d’aucunes utilités…
- Je suppose qu’ils l’ont enfermé dans l’aile la plus proche de Teholenden ? Demanda t elle, cachant son regard à la vue de son interlocuteur…
- Je le suppose également, répondit Soloné avec calme.
La jeune fille se remit à marcher, mais cette fois vers l’entrée du chemin…
L’intendant la regarda s’éloigner tout en l’appelant.
- Tahora… Tahora ! Cyrielle, s’écria t il en frappant le sol de son sceptre.
Elle s’arrêta net.
- Que comptes tu faire à présent ? Lui demanda t il. Vas tu le défier comme tu as défié ta mère ?
Elle se retourna vers lui et il découvrit ses yeux emprunts à une colère si évidente qu’elle en était lisible.
- Je ne sais pas, répondit elle…Mais je ne comptes pas abandonner tout ce que j’ai entrepris à un dieu qui se réveille un peu trop tard…
Il la fixa, comme pour savoir si elle était vraiment sûre de son choix et dit :
- Qu’il en soit alors ainsi…
Elle se remit en route accompagnée de l’intendant.
Rêves 3 … ce monde…?
Il venait de s’éveiller et demeurait l’esprit encore quelque peu embrumé.
Lorsqu’il essaya de relever la tête, il fut prit d’une vive douleur à la base de la nuque l’obligeant à rester courbé…
Il se redressa tant bien que mal et se mit à observer la pièce de la petite couchette où il était assis…
La pièce était assez étroite et cloisonnée par d’épais barreaux noirs et rouillés…
De l’autre coté de l’entrave se situait un espace qui servait apparemment de salle de garde, à en juger par les armes entreposées sur les essieux et les tables fourmillant de divers objets tels que des couteaux, des gamelles et autres… Quatre torches brûlaient de part et d’autres de l’espace et une dernière illuminait le centre de la pièce joignant sa lumière aux autres.
En levant la tête tout autour de lui, il n’aperçut aucune ouverture qui lui ai permit de sortir de la pièce, ou même d’y entrer, aucune porte entre les barreaux, il en vint d’ailleurs à se demander comment était il arriver ici.
Il se leva, s’enveloppant du drap qu’il avait conservé et se tourna vers sa couchette, dépassant d’un mur de pierres brunes sur lesquelles étaient inscrites des runes blanches.
Il s’en approcha sans toutes fois les toucher et mais assez près pour les lire…
Il parvenait à lire ce qui était inscrit et s’en étonna un bref instant avant de lire d’une voix haute voix, jeune et grave :
- Nul flot de l’esprit… Nul appel ne sera pas entendu…
Une fois qu’il eut lu, il ressenti quelques sortes de picotements à travers tout son corps…
Ces phrases étaient répétées cinq fois par pierre et ce d’une manière très précise. Deux fois en haut, une fois au milieu et deux fois en bas.
- C’est un cachot, se dit il.
Il en était quasiment certain même s’il ne parvenait pas à comprendre le sens de cette phrase inscrite.
Il avançait lentement son doigt afin de toucher les inscriptions lorsqu’il perçut soudain un tintillement métallique derrière lui.
Le bruit venait la pièce de l’autre coté des barreaux, il y avait une porte en métal derrière laquelle quelqu’un semblait s’employer sur la serrure.
Lorsque celle ci céda, un individu en armure s’engouffra dans la pièce repoussant une sorte de voile masqué par la porte et alla se placer à gauche de celle ci, frappant le sol de sa hallebarde une fois en position, il fût aussitôt suivi par un autre garde qui vint se placer droite avant d’effectuer le même mouvement…
L’écho des armes de fer se propageait à travers l’ouverture de la porte, lorsque, surgissant de la pénombre, la Tahora, pénétra dans la pièce, fixant directement Shadam à peine eut elle écarté le voile…
Elle progressa à travers la salle de garde d’une seule traite et vint s’arrêter devant le cachot où il demeurait, le dévisageant sans osciller, droite, le visage fermé et les poings serrés.
Soloné entra à son tour et vint se placer juste derrière la Tahora d’une manière calme avant de fixer le jeune homme à son tour…
Tous deux se dressaient devant Shadam et lui apparaissaient comme personnalités importantes et de connivence entre elles.
Leurs ombres s’étendaient jusqu’au cachot et dansaient au rythme des flammes les éclairant…
Une once de crainte commençait à envahir Shadam qui recula instinctivement au fond de sa cellule sans toute fois toucher le mur parsemé d’inscriptions dont il sentait émaner une force…
Soloné se pencha vers la Tahora afin de murmurer à son oreille :
- C’est fascinant…
La jeune fille n’exprima aucune émotion.
- Ce corps a dormi pendant des millénaires entiers, qui aurait pu croire qu’il puisse se mouvoir un jour, reprit il.
- Je suis la première à m’en étonner, répondit la Tahora sans quitter le prisonnier des yeux, et je suis également la dernière a partager ton enthousiasme…Intendant Soloné…
Elle appuya sur ces derniers mots afin de rappeler son intendant à l’ordre…
- Si l’on en croit le Maïlok datant de la Lôma Tahora, analysa Soloné, sa mémoire devrait être profondément altérée lors de l’éveil…
- Encore une prédictions de ce fameux « prophète » demanda la Sûna Tahora avec un brin de cynisme...
- Ne sous-estime pas la
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